Colloque LANGARTS/CREOPS

Colloque international
Penser l’art du geste en résonance entre les arts et les cultures
29, 30 juin et 1er juillet 2016
Co-organisé, en partenariat interdisciplinaire, interculturel et interuniversitairlogo-langartse, par les centres LangartsIReMus et le Creops (Paris Sorbonne), CERC Sorbonne nouvelle, CEAC (Lille), HiCSA (Panthéon
Sorbonne Paris 1), IAO (Lyon 2/ENS Lyon/CNRS) et l’appui audiovisuel de l’ESCoM
Lieu : bâtiment Le France, 190, av. de France, Paris 13e

La conception holistique et le rôle essentiel du geste artistique en Asie les unifient dans une pensée globale de l’art : « l’approche par la façon dont le souffle et l’intuition font l’au-delà de la technique est de même nature pour la calligraphie, la peinture et la musique »1. En Occident, le geste est souvent abordé soit globalement pour ce qu’il révèle de la pensée qui le guide (voir la bibliographie indicative) soit en mettant l’accent sur les acquis théoriques et de maîtrise technique dans chaque art (voir les manuels d’apprentissage et les captations issues des nouvelles technologies). Pour ce colloque, nous nous intéressons dans l’art du geste à ce qui guide le déclenchement du mouvement, à la façon dont il atteint son expression la plus parfaite et à sa créativité, au sens qu’on lui donne. L’objectif est de rendre compte du geste dans sa dualité d’une
impulsion portée par l’« imagination motrice »2 d’une intention portant l’intériorité de l’artiste, cette dernière pouvant être empreinte de traditions mystiques (comme en Inde) ou d’hybridité (comme en art contemporain) ; sans oublier le rôle de l’intuition du geste, vécue tout autant qu’observée. Pour saisir cela, nous nous appuierons sur les interactions entre les arts et les cultures, les moments où l’un(e) s’exprime dans, à partir, à propos, d’un(e) autre et ce qui en est ainsi révélé (voir les exemples ci-après). Nous combinerons l’approche directe, par la sensation corporelle de l’artiste et son ressenti d’un art/d’une culture à l’autre dans les pratiques performatives ‒ voire de ce que peuvent en dire les neurosciences ‒ avec les approches indirectes, par l’histoire de l’art et la littérature (notamment avec les écrits d’artistes ou de critiques d’art).

Les quelques exemples donnés ci-après sont destinés à illustrer cet argumentaire :

L’approche directe par l’impulsion de l’artiste : on cherchera, par exemple, comment un geste parfois infime (simple décentrage du regard de l’acteur, déhanchement du danseur, inflexion du poignet du musicien ou du calligraphe, touche du peintre, frappe ou pression du sculpteur, suspension du mime, etc.) peut subjuguer par sa justesse, sa beauté, son inventivité… et quelles sont l’intuition, l’intention et l’impulsion qui le font tel et qui font la signature d’un maître. En quoi est-il/sont-elles hors pair alors que la réalisation est fondée, dans l’apprentissage, sur le mimétisme (de maître à disciple) ou sur des notations ou signes relativement prescriptifs ? Quel est ce je ne sais quoi ou presque rien difficile à décrire qui fait la différence ?

La phénoménologie et les sciences cognitives ont d’ailleurs à voir avec cette analyse. On cherchera dans quelle mesure changer d’art, c’est changer de geste : il arrive que la pensée du geste dans un art existe dans un autre art, quand le musicien utilise des termes de la danse, le « jeté » ou le « plié », quand un calligraphe dit qu’il a trouvé son geste en observant une danseuse de sabre ou en entendant les sons d’une cascade. Le phénomène du mécanisme miroir, et plus précisément de la simulation incarnée, en raison même de leur caractère multimodal, peuvent-ils nous éclairer à ce sujet ? Il arrive aussi que l’on découvre dans une culture autre que la sienne une gestuelle dont on ignorait l’existence.

L’approche indirecte, notamment via l’histoire de l’art et la littérature, apporte, par la mise en images et en mots, un éclairage intéressant sur ce qui serait essentiel, mémorable, impérissable. L’histoire de l’art, par exemple, met à disposition du spécialiste d’une discipline nombre de figurations du geste de son art à travers les âges permettant de s’interroger sur les choix de postures : des représentations d’instrumentistes dans des contextes tant sacrés que profanes, un corpus visuel à entendre-comprendre pour le musicologue ; la réinvention de traditions de danse vivante s’appuyant sur un répertoire sculpté (Inde, Cambodge, …), la symbolique cosmologique et créatrice des représentations de la musique et de la danse dans certains courants religieux (hindou par exemple)… Les écrits contribuent à rendre compte de ce qui est en jeu lorsqu’il faut retrouver le geste de création, « imaginer [en majuscules dans le texte original], sur la foi des textes » comme cela s’est avéré nécessaire pour Segalen3 qui raconte : « un moignon informe de grès [… dont] toutes les arêtes ont disparu, toutes les lignes vivantes ont fui ; […] je dessine ce reste informe. Et lentement, mais sûrement, ce que mes yeux ne voyaient pas, le crayon et les mouvements instinctifs de mes doigts le ressuscitent… » ; ou encore reconsidérer l’art du geste à l’aune d’autres cultures comme Barthes4 impressionné par les actes « éminemment transitifs, opératoires, colorés de ce mélange de force et de subtilité, qui marque le gestuaire japonais » dans le bunraku ; plus généralement, la recherche sur la perfection du geste est au cœur des traités de Zeami (1363-1443?) pour qui : « la parole [qui] devient
impuissante, la manière merveilleuse où l’intention et la figure réalisée sont fusionnées : c’est le style de la fleur merveilleuse. Il est l’aboutissement de la voie suprême de l’ultime secret »5.

Les personnes souhaitant participer à ce colloque en tant qu’auditeurs sont invitées à s’inscrire au préalable. (télécharger le formulaire d’inscription).

Dates à retenir :

– Date de réponse après évaluation des propositions : 1er mars 2016
– Date limite de confirmation de votre venue pour les communications acceptées avec envoi des résumés en
bilingue : 15 avril 2016
– Date limite de soumission des articles issus des communications : 3 septembre 2016
– Date de réponse après évaluation par le Comité de lecture : 31 octobre 2016
– Publication dans la collection « L’univers esthétique » chez L’Harmattan : 2017

Notes
1. Journeau Alexandre Véronique, Poétique de la musique chinoise, Chap. V : « Fondements de l’esthétique chinoise »,
Paris, L’Harmattan, 2015, p. 337.
2. Billeter Jean-François, L’art chinois de l’écriture, Genève, Skira, 1989, p. 183.
3. Segalen Victor, Stèles, Peintures Équipée, Paris, Plon, 1970, p. 489.
4. Barthes Roland, L’empire des signes, Paris, Champ Flammarion, 1970p. 81-82.
5. Sekoguchi Aya, La fleur et le néant ̶ L’empreinte de Zeami dans l’art japonais, Préface d’Augustin Berque, Paris,
L’Harmattan, 2016, p. 80.
Quelques pistes bibliographiques
Bourassa Renée et Poissant Louise (éds.), Personnage virtuel et corps performatif : effets de présence, Ste-Foy, PUQ,
2013.
Chastel André, Le Geste dans l’art, Paris, Liana Levi, 2008.
Doganis Basile, Pensées du corps, Paris, Les Belles Lettres, 2012.
FlusserVilem, Les Gestes, Paris, Éd. Hors Commerce, 1999.
Goldberg Stephen J., « The Primacy of Gesture: Phenomenology and the Art of Chinese Calligraphy », Analecta
Husserliana, vol. 81, 2004, p. 175-186.
Guérin Michel, Philosophie du geste, Arles, Actes Sud, 1995.
Guérin Michel (éd.), Le Geste entre émergence et apparence : éthologie, éthique, esthétique, Presses universitaires de
Provence, 2014.
Histoire de gestes, Marie Glon et Isabelle Launey (dir.), Actes Sud, 2012.
Leroi-Gourhan André, Le geste et la parole. Tome I : technique et langage. Tome II : La mémoire et les rythmes, Paris,
Albin Michel, 1964.
Migrations of Gesture, Carrie Noland and Sally Ann Ness éds., Minneapolis, University of Minneapolis Press, 2008.
Schmitt J.-C., La raison des gestes dans l’Occident médiéval, Gallimard, 1990.
Shusterman Richard, Body Consciousness: A Philosophy of Mindfulness and Somaesthetics, New York, Cambridge
University Press, 2008.
Stern Daniel, Les formes de vitalité. Psychologie, arts, psychothérapie et développement de l’enfant, Paris, Odile Jacob,
2010.
Whitehead Alfred, Procès et réalités, Gallimard, 1995.